Séquence : MUSIQUE et GUERRE
Quelle est la fonction primitive / ancestrale de la musique dans une situation de combat ?
Comment les musiciens réagissent-ils face aux désastres humains d'un conflit armé ?
Quels caractères musicaux prend une œuvre pour décrire une situation de guerre ?
Quelle est la portée d'un message artistique de paix dans l'opinion publique ?
INTRODUCTION : Historiquement, la musique est présente dans toutes les situations de guerres et de batailles, ce depuis les temps les plus reculés... En effet, on prête à la musique de nombreuses fonctions et attributs : encourager les troupes au combat, impressionner l'ennemi, honorer son pays, commémorer la mémoire des soldats disparus...
Mais les musiciens savent aussi utiliser leur art pour dénoncer ces guerres, interpeller les gouvernements et appeler à la paix des peuples. De grandes œuvres musicales illustrent ces événements, déployant des caractères tragiques, ou au contraire en proposant l'espérance.
Apocalyps Now
Précieusement conservé à la Bibliothèque du Congrès des États-Unis pour son importance historique, le film Apocalyps Now (1979), fut réalisé par Francis Ford Coppola.
La bande musicale présentait notamment des chansons de l'époque, comme The End du groupe The Doors, Satisfaction des Rolling Stones ou Susie Q de Dale Hawkains. Et puis il y a cette scène guerrière terrifiante, avec une partition du compositeur Richard Wagner...
Une flotte d'hélicoptères mène un raid sur un village vietnamien. Leurs haut-parleurs diffusent
La Chevauchée des Walkyries de Wagner pour répandre la terreur avant le chaos.
Concerto pour la main gauche
Le pianiste autrichien Paul Wittgenstein fut gravement blessé sur le front russe, durant la 1ère Guerre Mondiale. On l'amputa de son bras droit, brisant sa carrière musicale. Ravel, sensible à la situation du pianiste, entreprit de composer, dans la période 1929 - 1931, un incroyable Concerto pour la main gauche. La création eut lieu à Vienne le 5 janvier 1932. En un seul mouvement, animé d'une puissante énergie, le morceau se révéla redoutable, la main gauche devant couvrir le territoire des deux mains sur le clavier.
Archive exceptionnelle montrant Wittgenstein au piano, jouant de sa seule main
gauche.
Different Trains
Entre 1939 et 1942, Steve Reich est un petit enfant juif New Yorkais. Ses parents ayant divorcé très tôt, il doit prendre le train jusqu'à Los Angeles - un trajet de deux jours - pour voir sa mère.
A travers cette œuvre Different Trains, il dresse un parallèle avec les autres trains que prenaient
en Europe les Juifs pour être déportés par le régime nazi. La partition s'adresse à un quatuor à cordes, auquel le compositeur
ajoute une bande magnétique.
Dans le 1er mouvement intitulé America - Before the War, Reich intègre des matériaux sonores autobiographiques : la voix de Virginia Mitchell, sa gouvernante lorsqu'il était enfant, la voix de Lawrence Davis, employé des wagons-lits de la compagnie du New York - Los Angeles, les bruits mécaniques des trains (chariots, crissements, sirènes des locomotives, cloches d'avertissement). La deuxième partie porte le titre : Europe - During the War. On y entend les voix de survivants de la Shoah, qui rapportent l'horreur des camps de concentration. Le mouvement musical figurant les trains se trouve ralentit, puis accélère, jusqu'à se trouver comme suspendu sur les paroles "Flames going up to the Sky - It was smoking" (des flammes montaient vers le ciel - ça fumait).
Un Survivant de Varsovie
Professeur à l'Académie de Berlin en 1933, au moment de la montée du nazisme, Schoenberg fut contraint d'émigrer aux États-Unis. Cet hommage aux victimes du régime hitlérien, Un Survivant de Varsovie, raconte l'histoire d'un rescapé du ghetto. La partition fut composée en août 1947, sous forme d'oratorio pour récitant, chœur d'hommes et orchestre.
Les procédés d'écriture utilisés sont le Sprechgesang (la voix entre parlé et chanté), le style Expressionniste et le dodécaphonisme. Trois langues sont utilisées : l'anglais pour la narration générale, l'allemand qui retranscrit la voix des soldats nazis, et l'hébreu pour la partie chantée, notamment lors de la prière finale. Les instruments sont joués de façon stridente et agressive, dans des registres extrêmes, afin de symboliser l'angoisse et l'effroi des prisonniers. La durée est de 7 minutes, avec un tempo exploitant des accélérations et changements brutaux. L'oppression est poussée à son maximum.
Les Planètes
Gustav Holst était un enfant timide, réservé, et parfois même apeuré, qui souffrait de problèmes de santé. Il fut mis au trombone par son père qui comptait sur cet instrument au souffle exigeant pour réduire son asthme. Devenu professeur et compositeur, c'est en s'intéressant à l'astrologie et en interprétant les horoscopes que Gustav eut l'idée en 1913 d'écrire une grande suite symphonique intitulée : Les Planètes. Extrait : Mars - Celui qui apporte la guerre. Avec son rythme implacable à 5/4, ses violons frappant les cordes avec le bois de l'archet, Mars imprime sa marche guerrière céleste, en route vers le paroxysme et le chaos... Une page prémonitoire, terminée juste avant le déclenchement de la Grande Guerre 1914 - 18.
Le Soldat
Cette chanson rend hommage aux soldats de la 1ère Guerre Mondiale. Le Soldat fut tourné en 2013 au Mémorial de Douaumont (Meuse), ainsi que dans le petit village de Massiges (Marne). Le texte exprime ce qu'a pu ressentir et dire à sa bien-aimée un soldat des tranchées, rêvant d'abord de la retrouver, puis comprenant finalement qu'il ne reviendrait pas.
Le Chant des Partisans
Page musicale incontournable de l'Histoire de France, le Chant des Partisans a marqué la Résistance durant l'occupation par l'Allemagne nazie. Sur une musique d'Anna Marly, des paroles de Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon, cet hymne, sifflé et chanté, participa à ce long et courageux combat populaire, qui conduisit à la victoire.
Née le 30 octobre 1917, pendant la révolution russe au cours de laquelle sont père fut fusillé, Anna Marly est arrivée en France dans les années 1920 avec sa mère, sa sœur et sa gouvernante. Danseuse, guitariste et chanteuse de cabarets à Paris, elle se retrouve exilée à Londres en 1941, où elle s'engage comme cantinière au QG des Forces françaises libres. C'est là qu'elle compose la musique du Chant des Partisans. Après la guerre, elle a vécu aux Amériques et en Afrique. Elle est décédée en 2006 en Alaska, son dernier refuge.
Ballade Nord-irlandaise
C'est dans les années 1985-86 que Renaud découvre l'Irlande et la beauté de ses paysages. Quelques années plus tard (en 1991), sort son album studio Marchand de cailloux, enregistré à Londres, sur lequel figure cette Ballade Nord-irlandaise, adaptation de la chanson traditionnelle The Water is Wide.
Face à cette guerre civile (fusillades, attentats) qui fera des milliers de morts, Renaud l'anti-militariste chante une ode à la paix et à la fraternité entre les peuples.
Né en 17 à Leidenstadt
Datée de 1991, cette mémorable chanson place chaque personne face à sa conscience, en cas de guerre ou de conflit humain. Né en 17 à Leidenstadt évoque tout d'abord la montée du nazisme, dans l'Allemagne des années 1930. La ville de Leidenstadt est un nom imaginaire, composé des deux mots allemands : Leiden (souffrance) et Stadt (ville). Puis, un autre couplet rappelle la période de violences en Irlande du Nord entre catholiques et protestants, dans la seconde moitié du XXe siècle. Enfin la situation de l'apartheid, introduite en Afrique du Sud à partir de 1948, est évoquée. Chacun des trois artistes a des origines qui induisent une interrogation personnelle : Jean-Jacques Goldman est d'origine juive-polonaise par son père (et allemande par sa mère), Michael Jones est gallois et Carole Fredericks a connu la ségrégation raciale aux États-Unis.